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Droit de réponse de Véronique De Keyser, présidente du Centre d’Action Laïque, à l’article d’Eric de Beukelaer

Date de publication : jeu 18 Juil 2024

J’ai pris connaissance de l’étonnante sortie d’Eric de Beukelaer publiée dans La Libre ce mardi 9 juillet. Selon le Vicaire général, les laïques, tels des chiens frappés de rage, devraient être piqués pour se voir inoculer un vaccin… La violence de cette diatribe, venant d’un homme qui n’a eu de cesse, depuis des années, de se poser comme un homme de dialogue, de se faire inviter dans tous les cénacles laïques et même en maçonnerie, d’un homme de grande séduction intellectuelle se dévoilant très rarement, m’a stupéfiée:  voilà que cet homme tombe le masque! Et avec une extrême violence. Certes, il se défend d’être contre la laïcité – car il aurait aussi « des amis laïques« ! Comme certains avant lui ont aussi eu un ami Juif, ou un ami Noir, ou un ami musulman, les dédouanant de leur haine de tous les autres. Mais pourquoi cette sortie avant l’été, pourquoi maintenant? Et est-ce vraiment la laïcité qu’Eric de Beukelare attaque, ou les catholiques qu’il entend rassurer, à la veille de la visite du Pape en Belgique? Car le Vicaire général, qui siège dans le comité organisateur de cette visite, entend montrer qu’il est bien le fidèle serviteur de l’Église, d’où peut-être cet excès de zèle. Il ne faudrait pas en effet, que « ses amis laïques » viennent jouer les troubles fête devant le pontife. D’où une prise de distance brutale avec ces derniers.

En effet, le Centre d’Action Laïque (CAL) prépare lui aussi la visite du Pape et n’entend pas, n’en déplaise au Vicaire, être renvoyé à sa niche. Il n’a nulle leçon à recevoir des catholiques en matière de sexualité ou de droit des femmes, ou encore de droit à la vie. La laïcité a apprécié et s’est associée aux propos du Pape par rapport à l’immigration; elle a applaudi ses appels à la paix dans le monde et ses propos vis-à-vis des plus vulnérables. Mais elle attend de l’Église catholique qu’elle prenne la mesure de sa responsabilité à l’égard des victimes de pédophilie en Belgique. Les actes de contrition ne suffisent pas. C’est à grands cris que ces victimes réclament l’instauration d’une nouvelle commission d’enquête parlementaire et s’offusquent de l’offensive de l’Église pour mettre un terme à l’instruction de l’opération Calice.

Le CAL en appelle aussi à ce que cette visite du Pape soit placée sous le signe de la sobriété: pas d’argent public, à quelque niveau de pouvoir que ce soit, pour accueillir ce dignitaire religieux. En particulier en des temps, où il y a tant de fragilité chez les plus précaires, et où des sacrifices budgétaires très lourds vont être demandés à la population.

Et enfin, nous voulons de la modération dans les propos: faire coïncider la venue du Pape en Belgique le 28 septembre avec la journée internationale pour le droit à l’avortement est une véritable provocation, quand on sait que le Pape apparente, tant le droit à l’avortement que celui à l’euthanasie, à une « culture du déchet ».  Ces termes sont une véritable gifle pour les femmes qui ont fait le choix difficile d’avorter, ou pour ceux qui ont accompagné un proche aimé, en lui permettant d’abréger ses souffrances et de mourir dans la dignité. Le rappeler au Pape François lors de cette visite, est-ce aboyer trop fort Monsieur le Vicaire général?

Certes, Eric de Beukelaere a le droit de s’exprimer publiquement, de débattre. En revanche, l’extrême violence de la métaphore dont il use à propos de la laïcité, la présidente du Centre d’Action Laïque que je suis ne l’accepte pas. Le chien, la rage, les morsures et le vaccin, etc. mais quelle abjecte et scandaleuse séquence! Les milliers de laïques qui le liraient se verraient transformés en une horde des chiens enragés? Peut-on vraiment parler ainsi de ces femmes et ces hommes, librement engagés et acteurs laïques, et est-on en droit de les réduire à des fondamentalistes en puissance ou à des porteurs de « voix illibérales », terme tellement symboliquement surchargé quand on connaît le rôle historique des « Libéraux » dans la configuration pacifiée de notre pays?

Et de même, pourquoi donc se servir, dans le raisonnement, d’un mot terrifiant comme « dhimmitude », par ailleurs chéri par l’extrême droite? Pourquoi employer à dessein un terme aussi pervers et polémique, et qui plus est bâtard, vocable d’une rare brutalité à l’égard de nos concitoyens musulmans, tant il les ramène, par ricochet, à une vision négative et abjecte de leur religion, comme s’il fallait encore, dans cette diatribe, se servir de l’islam et l’instrumentaliser? Quel immense gâchis !

Dès lors, si Éric de Beuckelaer veut vraiment, pour le citer, que demeure « la centralité de la Raison dans la Cité », il ne doit pas s’exempter lui-même de cette tâche humaine et humaniste. Aucun sentiment de supériorité ne lui permet de se dispenser de cet élémentaire devoir de respect citoyen.

Tenter de séduire les uns et les autres avec des propos contradictoires est un jeu dangereux, Monsieur le Vicaire général. On ne risque pas d’être mordu, certes, mais d’y perdre son âme. Ce qui pour un chrétien a plus de prix qu’un mollet. Je ne vous demande pas aujourd’hui de choisir un camp, Monsieur le Vicaire, ce camp est clair et nous le respectons, mais de choisir un ton en cohérence avec votre fonction, et le rôle de médiateur que vous avez toujours voulu assumer.

Véronique De Keyser
Présidente du Centre d’Action Laïque

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