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Date de publication : lun 28 Nov 2022
Le vote hier à l’Assemblée Nationale française pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution française est un énorme pas politique; une étape symbolique nécessaire mais qui met aussi en lumière toutes les difficultés que rencontrent nos sociétés démocratiques pour s’émanciper du carcan mental qui persiste à juger les femmes et à contrôler leur corps.
La constitutionnalisation du droit effectif à l’IVG aura pour conséquence que ce droit sera mieux protégé. Même si ce texte fondateur du système juridique français n’est pas coulé dans le marbre, les droits qui y sont garantis ne peuvent être réduits ou abolis par une simple majorité parlementaire. Un atout essentiel aujourd’hui pour faire échec aux forces rétrogrades qui attaquent les valeurs démocratiques d’égalité et de liberté en Europe.
C’est d’ailleurs dans le sillage du séisme américain que cette proposition française a vu le jour. Elle vise à ajouter à l’article 66 de la Constitution qui garantit les libertés individuelles, un article 66-2 (le 66-1 concerne l’abolition de la peine de mort): “La loi garantit l’effectivité et l’égal accès à l’interruption volontaire de grossesse”. Remarquons que les formulations des Ecologistes “nul ne peut porter atteinte…” et du parti présidentiel Renaissance “nul ne peut être privé du droit à l’IVG” n’ont pas été retenues car pointant sans doute trop directement les anti-choix. La formule, plus consensuelle, votée à l’Assemblée Nationale par 337 voix pour, 32 contre et 18 abstentions devrait permettre, mais rien n’est moins sûr, un vote favorable au Sénat, avant l’organisation d’un referendum (qui, selon les sondages, recueillerait lui l’adhésion de 80% de la population française) ou un vote du Parlement convoqué en Congrès à la majorité des 3/5. Cela ne doit en rien minimiser le vote historique d’hier qui sort l’IVG de la logique actuelle: il ne s’agit pas d’un acte répréhensible à contrôler, mais d’un droit à la liberté de choix.
En Belgique, toujours dans la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle américaine, un débat similaire s’est déroulé à la Chambre des représentants en juin dernier, à la différence que l’article 22 de la Constitution belge envisagé pour y inclure le droit à l’IVG a trait, cette fois, au droit à la vie privée et familiale. La réponse du ministre des Réformes institutionnelles, David Clarinval, qui rappelons-le avait été au cœur de l’épisode politique houleux à l’origine de la loi de 2018, résumait la situation comme suit: plusieurs partis de la majorité fédérale ont décidé de travailler en parallèle sur cette révision de la Constitution et sur la révision de la loi dépénalisant l’IVG. Cette dernière étant précédée d’un travail demandé par le gouvernement aux acteurs scientifiques et académiques, afin de trouver un consensus rationnel, dégagé des débats passionnels et idéologiques.
Les choses bougent mais le dossier avance lentement. Il est pourtant urgent d’agir car ce dont il s’agit avant tout, c’est d’abord d’un droit à la santé des femmes. Les féministes revendiquent d’ailleurs toujours que cet acte médical ne soit pas pris dans les rets d’une législation pénale, héritage des codes juridiques misogynes instaurés au 19e siècle.
L’autonomie de décision des femmes a été niée, cadenassée, puis constamment limitée. L’accès à l’interruption d’une grossesse est à cet égard exemplaire de la volonté de contrôle et de domination de sociétés qui se sont construites sur la primauté du mâle. C’est le cas partout en Europe, où les disparités sur les conditions d’accès, les incohérences et restrictions diverses dans les législations nationales ne font qu’accroître les difficultés pour les femmes, parfois au péril de leur vie. (Pour aller plus loin: État des lieux de l’avortement en Europe, 2022, PDF).
Au-delà des constitutions et législations nationales, il serait grand temps que l’Europe, qui fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité, puisse garantir aux citoyennes européennes un droit égal à la santé et à l’autodétermination, en érigeant le droit à l’IVG comme un droit fondamental.
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