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Des projets de loi qui fragilisent les droits fondamentaux

Date de publication : jeu 17 Juil 2025

Le gouvernement De Wever a entamé la mise en œuvre de son programme migratoire en affirmant vouloir instaurer « la politique la plus stricte jamais appliquée en Belgique »1. Pourtant, les migrations existent, ont toujours existé et existeront encore demain. Plutôt qu’une réponse strictement sécuritaire2, d’autres politiques basées sur le respect de l’étranger voyageur sont possibles comme le démontre le gouvernement espagnol. Le Centre d’Action Laïque déplore avec force et vigueur l’adoption de deux projets de loi3 et s’inquiète de la possible adoption d’un troisième projet de loi4 ce jeudi. Ces textes marquent une régression inquiétante des droits fondamentaux des personnes migrantes.

Protection internationale: une requalification qui affaiblit les droits fondamentaux

Le premier texte redéfinit le traitement des demandes de protection internationale introduites par des personnes ayant déjà reçu une décision dans un autre État membre de l’Union européenne.

Sur base du principe de « confiance mutuelle » entre États membres, la Belgique ne vérifiera donc plus, sauf circonstances exceptionnelles, si les droits fondamentaux ont été respectés dans l’État d’origine de la demande. Elle se réserve ainsi le droit de renvoyer quelqu’un vers un pays pourtant régulièrement condamné pour atteinte aux droits humains5 comme par exemple en Hongrie, où les droits des personnes LGBTQIA+ sont régulièrement bafoués. Ce choix politique revient à abaisser nos exigences en matière de droits fondamentaux, au détriment des plus vulnérables.

Un droit d’accueil encore plus restreint

Ce deuxième projet de loi supprime surtout l’accès à l’aide sociale octroyée par les CPAS, ne maintenant que l’aide matérielle en centre d’accueil. Le gouvernement justifie cette mesure par la volonté de « supprimer tout appel d’air » lié à une aide financière jugée trop accessible6. Le Conseil d’État a rappelé qu’une telle mesure n’est envisageable que si la capacité d’accueil en centre est suffisante, ce qui est loin d’être le cas. Souvenons-nous que le précédent gouvernement fédéral a sciemment snobé de nombreuses condamnations juridictionnelles en matière d’accueil des demandeurs d’asile. La situation est d’autant plus préoccupante que l’Arizona assume ouvertement une politique de réduction de ces places.  

De surcroît, cette logique idéologique d’exclusion et de suspicion généralisée, fait abstraction du droit à la dignité humaine et du droit au logement, tous deux garantis par l’article 23 de la Constitution.  

Des obstacles majeurs au regroupement familial

Le troisième projet restreint fortement l’accès au regroupement familial, qui permet à une personne légalement sur le territoire de faire venir sa famille. La principale mesure7 vise à durcir les conditions de moyens de subsistance. Désormais, un réfugié reconnu devra gagner plus de 2700€ net par mois8 pour mériter de vivre avec son conjoint ou ses enfants, ce qui rend pratiquement impossible l’exercice du droit à la vie familiale. Consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ce droit à vivre en famille est un droit fondamental qui devient désormais encore plus à géométrie variable. En maintenant les familles séparées, cette mesure nuit à l’intégration et aggrave la précarité sociale et psychologique des personnes protégées9. Elle opère également une distinction économique parmi les demandeurs d’asile, en excluant les plus vulnérables.

Une politique d’exclusion contraire aux principes démocratiques

Ces textes traduisent une vision déshumanisante de la migration et doivent alerter toutes les forces démocratiques. Le droit à une vie de famille, à la protection, à la dignité ne sont pas des privilèges mais des garanties fondamentales dans un État de droit.

Fidèle à ses valeurs de solidarité, d’égalité et de liberté, le Centre d’Action Laïque s’oppose avec fermeté à cette politique sécuritaire inefficace et appelle à un véritable changement de paradigme: une politique migratoire fondée sur le respect de la dignité, l’ouverture culturelle et la solidarité. Défendre les droits humains, c’est affirmer qu’aucune société ne peut se construire durablement sur l’exclusion des plus vulnérables. 


  1. Les réponses sécuritaires sont souvent des réponses paresseuses. ↩︎
  2. DOC 56 0912/001, projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers en ce qui concerne le traitement d’une demande ultérieure de protection internationale, DOC 56 0914/001, projet de loi modifiant la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers. ↩︎
  3. DOC 56 0913/001, projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers en ce qui concerne les conditions pour le regroupement familial. ↩︎
  4. À cet égard, le rapport le plus récent de la Commission européenne sur l’État de droit dresse un état des lieux précis des manquements, pays par pays. ↩︎
  5. DOC 56 0914/001, projet de loi modifiant la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers, p.9. ↩︎
  6. Notons également comme autres mesures restrictives : les délais pour faire venir les proches sont allongés à deux ans pour les bénéficiaires d’une protection subsidiaire au lieu d’un an actuellement pour les bénéficiaires du statut de réfugié, et la période d’exemption pour justifier de moyens de subsistance, d’un logement et d’une couverture médicale est réduite à six mois (au lieu d’un an actuellement). ↩︎
  7. Actuellement les moyens de subsistance sont établis à 2.100 euros (120% du revenu d’intégration sociale) et il passe désormais à 110% du revenu minimum garanti augmenter de 10% par personne supplémentaire. ↩︎
  8. Malgré que plusieurs institutions – dont le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le Conseil d’État, l’Autorité de protection des données et Myria – ont publiquement exprimé leurs vives inquiétudes face aux atteintes graves au droit à la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme du texte, rien de substantiel n’a été modifié par les auteurs du texte. ↩︎
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