Monsieur le Premier Ministre,

Depuis quelques semaines, il est beaucoup question, dans le débat public, de signes convictionnels à caractère religieux. La question du voile islamique en particulier est au centre de toutes les attentions. Ces débats sont souvent sans nuances : des propos caricaturaux des thèses en présence s’expriment dans une large confusion de notions telles que l’espace public, de service public ou d’usager de services publics. Ces débats sont souvent réducteurs, ramenant la notion de signes convictionnels à un seul signe convictionnel religieux.

Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière que ces débats agitent l’opinion publique et la classe politique.

Pour le Centre d’Action laïque et deMens.nu, les termes du débat sont clairs. La laïcité est le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse. De ce principe d’impartialité de l’Etat découle celui de la neutralité de ses agents.

La laïcité fait en réalité la proposition moderne de la libre expression des convictions dans l’espace public, à la seule condition du respect de la loi civile commune. En somme, parce qu’elle assure qu’il n’y a pas de privilège à épouser une religion plutôt qu’une autre, parce qu’elle postule qu’aucune religion ne peut se retrouver en mesure d’imposer ses vues sur les autres, la laïcité est la meilleure garantie de coexistence pacifique au sein de notre société.

La laïcité n’oblige qu’au respect des personnes. En revanche, libre à chacun de questionner la conviction d’autrui. La liberté d’expression prévaut, jusqu’au droit au blasphème. Il ne saurait être question de réduire cette liberté sous prétexte d’atteinte à la dignité de quiconque. Et c’est essentiel car pouvoir discuter d’une conviction religieuse, c’est aussi protéger les citoyens et la société contre les fondamentalismes ou les intégrismes.

Ni exclusive, ni inclusive, la laïcité, pour une population aux multiples convictions, c’est tout simplement une garantie d’avenir des religions et de la liberté de conscience.

Les problèmes commencent quand on s’écarte de ces principes clairs. C’est alors la voie ouverte à un déchaînement d’expressions, des plus mesurées jusqu’au plus extrêmes, y compris au sein de votre majorité, qui débouchent au final sur des propos relativistes autour du principe de séparation des Eglises et de l’Etat ou décrivant la laïcité vue comme porteuse de discrimination, voire de racisme…

Monsieur le Premier Ministre,

Sous l’égide de votre prédécesseur, les représentants des cultes et de la laïcité ont adopté dans une déclaration solennelle les principes suivants : « les Droits de l’Homme, les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience, l’égalité entre les hommes et les femmes, la séparation des Eglises et de l’Etat, la culture du dialogue, la primauté de l’Etat de droit sur la loi religieuse, le droit à choisir son mode de vie sont des valeurs inaltérables sur lesquelles nous ne pouvons transiger, nous devons les défendre. L’impartialité de l’Etat permet cette équidistance entre tous les cultes assurant ainsi la cohésion sociale et pacifique dans une société interculturelle comme la nôtre ».

Gageons que vous aurez à cœur de rappeler solennellement l’attachement de votre gouvernement à ces principes essentiels.

Véronique De Keyser, présidente du Centre d’Action Laïque
Freddy Mortier, président de deMens.nu

Lettre ouverte publiée sur lesoir.be le 8/07/2021

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