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Code pénal sexuel : éclairages sur la nouvelle loi

Date de publication : lun 21 Mar 2022

Ce jeudi, le projet de réforme du Code pénal sexuel a été adopté par la Chambre, après plusieurs mois de travaux en commission de la Justice. Le texte voté a fait l’objet de nombreux amendements depuis la version soumise par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, particulièrement à la suite des auditions organisées tout au long du mois d’octobre auxquelles la Présidente du Centre d’Action Laïque Véronique De Keyser a participé.

La définition du consentement est sans doute la plus grande avancée de cette réforme. Cette notion, centrale dans l’établissement des infractions sexuelles, est envisagée de manière large. C’est un changement de perspective par rapport au Code pénal, qui ne citait que les situations où le consentement était impossible (en cas de violence de l’auteur, par exemple). Ainsi, le consentement ne se présume jamais et n’est jamais définitif: il est possible de retirer son consentement à tout moment et le consentement à un acte sexuel ne vaut pas consentement à un autre (notamment dans les cas de stealthing, où le partenaire retire le préservatif pendant la relation sans l’accord de son ou sa partenaire). Les situations où le consentement n’est pas possible sont visées de manière plus détaillée par la réforme, qui prévoit spécifiquement qu’il n’y a pas de consentement si la personne est endormie, si elle est dans une situation de vulnérabilité qui ne lui permet pas de consentir et dont l’auteur aurait profité, etc. Cette définition étendue, recherche d’un équilibre entre la prise en compte du vécu des victimes et la présomption d’innocence, risque pourtant de ne modifier que de manière marginale le traitement judiciaire de ces infractions, puisque tous ces éléments figuraient déjà dans la jurisprudence des cours et tribunaux.

Par cette réforme, le mot “inceste” fait son entrée dans le Code pénal. Contrairement à ce qui a parfois pu être dit, il ne s’agit pas d’une infraction autonome, mais d’une aggravation des peines encourues en cas d’actes sexuels commis sur un mineur dans un cadre familial. Ce cadre familial est entendu de manière large et vise autant les parents au sens propre que les beaux-parents, les adoptants, etc. afin de répondre aux évolutions des modèles de famille. La réforme prévoit en outre que les mineurs ne peuvent jamais consentir: il ne faudrait donc pas prouver leur consentement, ce qui est un gage de protection pour les victimes de cette forme de violence caractérisée par des phénomènes d’emprise et qui reste encore taboue aujourd’hui.

La question de l’âge à partir duquel un mineur peut consentir à des actes à caractère sexuel (la “majorité sexuelle“) a fait l’objet de nombreuses modifications au long du processus législatif. La réforme prévoit finalement que le seuil pour consentir est fixé à 16 ans, mais aménage deux types d’exception. D’une part, les mineurs à partir de 14 ans peuvent consentir si la différence d’âge avec l’autre personne est inférieure à trois ans (un mineur de 14 ans et un mineur de 16 ans et demi par exemple), mais la réforme dispose aussi qu’il n’y a pas d’infraction entre mineurs de plus de 14 ans s’ils agissent avec consentement mutuel, même si la différence d’âge est supérieure à 3 ans (un mineur de 14 ans et un mineur de 17 ans et demi par exemple). D’autre part, il est impossible de consentir avant 18 ans en cas d’inceste ou de relation d’autorité. Si la “majorité sexuelle” n’a pas de vocation morale en soi, elle doit cependant permettre le développement sexuel des jeunes dans un cadre émancipateur, positif et les protéger des violences sexuelles dont ils pourraient être victimes, équilibre qui paraît être atteint par la réforme.

En Belgique, la prostitution est légale, bien que son exercice puisse être encadré, par exemple par des règlements de police qui interdisent le racolage. Par contre, le proxénétisme, c’est-à-dire le fait d’exploiter la prostitution d’une autre personne ou d’en tirer profit, est interdit par le Code pénal. La réforme ne rompt pas fondamentalement avec ce principe, mais permet à une future loi de fixer les conditions dans lesquelles il sera permis d’organiser la prostitution d’une autre personne. Il s’agit d’un premier pas dans la création d’un statut social particulier pour les personnes qui se prostituent, car elles pourront dans ce cas exercer dans le cadre d’un contrat de travail où les prestations de prostitution ne sont pas dissimulées sous un autre objet (massage, Horeca, danse, etc.) comme cela peut être le cas actuellement. La réforme entend également mieux distinguer ce qui relève du proxénétisme et de la traite des êtres humains.

Le Centre d’Action Laïque souligne qu’il s’agit à présent de se montrer attentif à la manière dont cette loi sera appliquée dans les faits par le monde judiciaire (police, avocats, magistrats, etc.). Cette application doit en effet répondre aux objectifs annoncés par le législateur et attendus par les citoyens et les citoyennes: améliorer la prise en charge des victimes, faciliter la charge de la preuve, poursuivre de manière plus efficace les auteurs de ces infractions, et plus globalement, répondre aux défis de la lutte contre les violences sexuelles.

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