string(9) « actualite »

Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes

Date de publication : jeu 25 Nov 2021

À l’occasion du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le Centre d’Action Laïque met le focus sur un concept dangereux et encore méconnu du grand public : le syndrome d’aliénation parentale (SAP). Ce concept n’a rien de scientifique mais parvient à s’infiltrer dans nos institutions, mettant en danger les femmes qui veulent quitter un partenaire violent, mais également leurs enfants.

Ce concept a littéralement été inventé dans les années 80 par un psychiatre américain, Richard Gardner, dans la ligne de sa vision positive de la pédophilie, pour réfuter les accusations d’abus sexuels et les violences intrafamiliales… Gardner puise aux clichés sexistes les plus éculés pour mettre en garde contre les « manigances et mensonges » des mères en situation de séparation. Selon sa théorie, celles-ci manipuleraient systématiquement leurs enfants afin qu’ils dénoncent des violences paternelles imaginaires, et refusent en conséquence de continuer à voir leur père. Pour donner un vernis scientifique à son concept, Gardner, le définit comme un syndrome – c’est-à-dire un ensemble de comportements pathologiques.  Selon lui, en clair, les mauvaises mères alièneraient la perception de leurs enfants en leur racontant des mensonges sur les violences qu’ils auraient subies, mensonges qu’ils finissent par intégrer comme étant la vérité. En réalité, Gardner a voulu donner une base théorique à la mise en doute systématique des témoignages des mères et/ou de leurs enfants sur les violences exercées par le père.[1]

Aujourd’hui, le SAP est régulièrement invoqué lors de séparations difficiles pour faire valoir les droits d’un homme violent à obtenir un droit de garde par exemple. Dans les faits, l’homme violent reprend, avec l’aval de la justice,  le pouvoir sur son ex-compagne à travers les enfants. Malgré une utilisation de plus en plus répandue dans le monde judiciaire, de nombreuses institutions ont appelé mette fin à cette imposture et à proscrire le SAP des instruments juridiques : 

  • L’Organisation Mondiale de la Santé n’a jamais reconnu son existence et a refusé d’inscrire le SAP dans le manuel descriptif des troubles mentaux (DSM 4 et 5) en 2018.[2] Les experts scientifiques et les associations de défense des droits des femmes et des enfants refusent que le SAP soit classifié à l’OMS.[3]
  • Le Parlement Européen a voté une résolution le 6 octobre dernier, intitulée « La conséquence des violences conjugales et des droits de garde sur les femmes et les enfants »[4], dans laquelle il dénonce ce concept, demande aux États membres de ne pas le reconnaître et de sensibiliser le monde judiciaire pour interdire son utilisation. 
  • Dans son rapport de 2020, le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), dont la mission est d’évaluer la mise en oeuvre de la Convention d’Istanbul par les États membres, demande expressément que la Belgique offre des formations démontrant le caractère scientifique infondé du SAP. 
  • En France, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise), créée en mars 2021, cite l’utilisation de ce concept comme obstacle majeur dans la lutte contre l’inceste. Les statistiques démontrent que chaque année plus de 22.000 enfants sont victimes de violences sexuelles commises par leur père.[5]

Malgré tout ceci, le SAP continue à être utilisé dans des jugements de la Cour européenne des droits de l’Homme et de juridictions nationales.

Il sévit également hors du monde judiciaire puisque des témoignages rapportent que des psychologues remettent en question la parole des enfants dans ce contexte.[6] Il faut pourtant rappeler que les fausses accusations de violences et d’agressions sexuelles sont très rares[7].

Quand on sait qu’en Belgique, 6188 cas de maltraitance infantile ont été signalés en 2017 en Fédération Wallonie-Bruxelles, et 8669 enfants en Flandre en 2018[8], il est impossible d’ignorer les violences que subissent les enfants et les risques avérés que comporte l’utilisation de ce concept

Le SAP est aussi présent chez nous, et de nombreux psychologues et avocats l’utilisent dans leur travail.[9] Ce concept a même infiltré le discours de nos politiques, ce qui est plus qu’inquiétant. En 2020, le précédent ministre de la Justice Koen Geens a célébré, le 25 avril, la controversée journée de sensibilisation au syndrome d’aliénation parentale, au mépris de toutes les recommandations internationales sur le sujet.[10] En septembre dernier, l’actuel ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne est lui  intervenu lors d’un colloque intitulé « Protecting family ties after separation » dont plus de la moitié des intervenants faisaient partie d’une association visant à promouvoir et à reconnaître le SAP. Interpellé par plusieurs députés, les réponses du ministre témoignent d’une méconnaissance du sujet. 

Il est du devoir du ministre de la Justice d’alerter sur l’utilisation de ce concept dangereux, sans quoi la chaîne socio-judiciaire continuera d’être formée à son utilisation et donc à mettre en danger les mères et leurs enfants. Le Centre d’Action Laïque recommande par ailleurs que la Belgique instaure une loi, comme c’est le cas en Espagne depuis le mois de juin, visant à interdire la prise en compte de ce syndrome devant les cours et tribunaux sans avis scientifique.[11]

Dans le but de sensibiliser davantage le monde politique à la dangerosité de ce concept, nous avons envoyé ce jour une lettre à la Secrétaire d’État à l’égalité des genres Sarah Schlitz. 

Les violences envers les femmes, malgré les mesures et les budgets mis en place, sont toujours bien présentes dans notre société. Dernièrement, le mouvement #balancetonbar, qui a visibilisé les violences sexuelles dans le monde de la nuit, l’a encore démontré. Le Plan d’Action National de lutte contre les violences, qui devrait être adopté cette semaine, ainsi que la création de nouveaux Centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) sont des avancées à saluer. Mais beaucoup reste à faire ! 

La lutte contre les violences faites aux femmes doit devenir une priorité, et davantage de moyens doivent être attribués en amont : n’attendons plus que les violences aient lieu pour les combattre !


Défiler vers le haut
partager sur